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Séance tenue à la Bibliothèque royale de Belgique à Bruxelles le 15 décembre 2012
Vergadering in de Koninklijke Bibliotheek van België te Brussel op 15 december 2012
Excusés : Mme A. Pourbaix-Van Haeperen et MM. R. De Marie, J. Elsen, M. Gheerardijn, A. Haeck, N. De Streel et G. Testa.
Présents : Mmes M. Lakakis-Marchetti, Chr. Logie, Gh. Moucharte, H. Taymans, E. Schoonheydt et C. Arnould et MM. H. Pottier, M. Rocour, Y. De Craemere, J.-M. Doyen, Ch. Lauwers, Ch. Doyen, P. Assenmaker, R. Van Laere, J. van Heesch, R. Waerzeggers, A. Fr. Schepers, J. Richard, J. Schoonheydt, M. Wauthier, H. Dewit, P. Pasmans, R. Dillen, E. Schutyser, H. Vanhoudt, Ph. Sadin, A. Fossion et Fr. de Callataÿ.
Le Président ouvre la séance à 14h30.
M. Charles Doyen donne une conférence intitulée « Réflexions sur le bimétallisme monétaire, depuis les drachmes “du bronze” jusqu'au franc germinal ».
Soucieuse de s’émanciper de tous les symboles de l’Ancien Régime et de faire oublier les expériences désastreuses du papier-monnaie de John Law (1716–1722) et des assignats révolutionnaires (1790–1796), la jeune République française renonce à la livre tournois, supprime tout droit de seigneuriage, et définit dès le 28 thermidor an III (15 août 1795) le franc comme unité monétaire, étalonnée à la masse de 5 g d’argent, au titre de neuf dixièmes de fin. Cette disposition est confirmée sur l’impulsion du Premier Consul Bonaparte, par la loi du 7 germinal an XI (28 mars 1803) : la frappe de monnaies en argent est prévue pour la valeur de ¼ F, ½ F, ¾ F, 1 F, 2 F et 5 F ; celle de monnaies en or pour la valeur de 20 F et 40 F, de telle sorte que la monnaie de 20 F soit à la taille de 155 pièces au kilogramme (soit 6,45 g), également au titre de neuf dixièmes de fin. Par conséquent, le ratio or–argent officiel, fixé à 15,5:1, perpétue le ratio adopté lors de la réforme de Charles Alexandre Calonne (1785), Contrôleur général des finances de Louis XVI. La France se dote ainsi d’un système monétaire bimétallique, qui confère à l’or et à l’argent valeur libératoire : les créanciers ont l’obligation d’accepter l’un ou l’autre métal monnayé, au taux fixé par la loi de 1803. Cependant, ces métaux précieux n’ont pas pour seule vocation d’être des instruments monétaires : l’or et l’argent sont également des marchandises, destinées à un usage industriel et artisanal (en particulier l’orfèvrerie, la joaillerie, l’horlogerie, la photographie, la dentisterie, etc.), dont la valeur est fixée par la loi de l’offre (quantité de métaux précieux disponible) et de la demande (besoins industriels et artisanaux). Le cours commercial de l’or et de l’argent ne peut donc coïncider indéfiniment avec le cours officiel de 15,5:1, mais varie nécessairement en fonction des lois du marché. De ce fait, dans l’usage monétaire, les débiteurs privilégient les paiements en argent lorsque le cours commercial est supérieur au cours officiel (c.-à-d. lorsque l’or est surévalué par rapport à l’argent), et les paiements en or dans le cas inverse. Cette tendance au profit personnel a pour conséquence de stabiliser le cours commercial or–argent, selon un mécanisme de feed-back relativement simple en son principe : par exemple, une dépréciation de l’or par rapport à l’argent favorise les paiements en or, et entraîne par conséquent la frappe de nouvelles monnaies en or et la fonte de monnaies en argent ; l’or est recherché, devient plus rare, donc plus cher ; de cette manière, l’or s’apprécie par rapport à l’argent et un nouvel équilibre est atteint.
Le même phénomène économique s’observe également deux millénaires plus tôt, en Grèce continentale et insulaire, à l’époque hellénistique. Dès le dernier tiers du IVe s. avant notre ère, une forme originale de bimétallisme monétaire est instaurée dans les zones d’étalon attique. D’une part, la monnaie en argent frappée aux types d’Alexandre ou de la cité d’Athènes (drachme de 4,35 g, et surtout tétradrachme de 17,40 g) est étroitement corrélée aux monnaies d’or, qui sont taillées sur le même pied (statère-didrachme de 8,70 g) et s’échangent commodément contre 20 drachmes ou 5 tétradrachmes en argent, grâce à la stabilisation, pour plus de deux siècles, d’un ratio or–argent (10:1) naguère fluctuant. D’autre part, la valeur libératoire originelle en bronze de la drachme attique en argent, qui est devenue un étalon de mesure universel (mine de 435 g), conserve une importance telle que de nouvelles drachmes en argent sont émises, de façon à toujours équivaloir à cet étalon du bronze en fonction du nouveau ratio bronze–argent (soit une drachme de 3,86 g, valant 435 g de bronze en fonction du ratio 112,5:1). Ces deux drachmes distinctes ressortissent l’une et l’autre à l’étalon attique, sont frappées en argent et sont complétées par un monnayage en bronze pour les plus petites dénominations ; à cause de leur valeur libératoire respective, la première est appelée « drachme (de l’étalon) de l’argent » (argyriou drakhmê – αργυριου δραχμη), tandis que la seconde est une « drachme (de l’étalon) du bronze » (khalkou drakhmê – χαλκου δραχμη). Le taux de change entre ces espèces s’établit très simplement par le rapport entre le taux de change officiel et le taux de change originel : en l’occurrence, 8:9. Tout au long de l’époque hellénistique, ce système monétaire se maintient avec une étonnante stabilité dans les régions avoisinant la mer Égée. La seule modification notable, dont témoignent concomitamment les décrets officiels, les techniques de comptabilité monétaire, l’allégement des monnaies « du bronze » et l’alourdissement des mesures pondérales officielles (toujours fondées sur le bronze), est l’accroissement périodique et régulier du ratio bronze–argent. Vers 275, le ratio est augmenté à 125:1 (?) (drachme « du bronze » de 3,46 g et change de 8:10, soit 4:5) ; à la fin du IIIe s. ou au début du IIe s., il atteint 137,5:1 (drachme « du bronze » de 3,16 g et change de 8:11) ; à la fin du IIe s., il plafonne à 150:1 (drachme « du bronze » de 2,90 g et change de 8:12, soit 2:3). Somme toute, les systèmes bimétalliques sont des régimes monétaires fortement décentralisés, au sein desquels les métaux de référence (bronze et argent en Grèce hellénistique ; argent et or en France républicaine et impériale) sont à la fois des vecteurs privilégiés pour régler les transactions économiques et des marchandises utilisées dans l’artisanat et l’industrie, importables et exportables, dont la valeur intrinsèque est fixée par la loi fondamentale de l’offre et de la demande. Ces métaux, majoritairement détenus par les acteurs du système, circulent et s’échangent facilement. Le rôle de l’État, réduit mais essentiel, se borne à établir et faire observer les règles du jeu économique, notamment en déterminant la norme pondérale et le titre des métaux qui serviront d’instruments monétaires, en fixant un ratio métallique légal qui soit compatible avec les réalités du marché, et en garantissant, par l’apposition d’une marque reconnue et acceptée par tous, la qualité de ces instruments monétaires : de fait, puisque toute monnaie, même entièrement composée de métal précieux, est par nature fiduciaire, l’autorité émettrice doit susciter et mériter la confiance des utilisateurs. Le marché pourvoit à tout le reste, en exerçant une régulation remarquable : au moindre déséquilibre entre le ratio commercial et le ratio officiel, un processus de feed-back complexe engendre un nouvel équilibre qui, sauf bouleversement majeur, s’établit normalement aux alentours du ratio officiel et s’étend même, par un jeu d’arbitrages internationaux, aux économies monométalliques corrélées à l’économie bimétallique.De manière remarquable, les systèmes monétaires qui se fondent sur ces prémisses simples présentent une grande stabilité, pendant de longues périodes, malgré les perturbations économiques qui caractérisent tant la Grèce hellénistique que le XIXe s. français : le choc que causa la mise en circulation brutale du butin colossal de 180.000 talents (4.698.000 kg) pris par Alexandre le Grand sur le Grand Roi perse Darius en 331/330 av. J. C., alors que ces réserves métalliques étaient traditionnellement thésaurisées, donc neutralisées, est sans doute comparable à l’irruption soudaine sur le marché mondial de l’or californien et australien à partir de 1848, et de l’argent allemand et américain dans les années 1870 ; par ailleurs, l’histoire politique très mouvementée de la Grèce entre la mort d’Alexandre et la conquête romaine, avec son lot de guerres, de retournements d’alliances et d’ingérences étrangères, n’a rien à envier aux campagnes napoléoniennes (d’Austerlitz à Waterloo), aux brusques changements de régime, ou à la guerre franco-prussienne qui émaillent l’histoire de la jeune France républicaine et impériale. Malgré ces vicissitudes, le ratio bronze–argent ne fut modifié que trois fois en deux siècles et demi d’histoire hellénistique, et le ratio argent–or demeura inchangé pendant la septantaine d’années qui séparent la naissance du Premier Empire et la chute du Second Empire. D’un point de vue historique et théorique, le système monétaire hellénistique, susceptible de remettre en perspective l’étude des bimétallismes français et américain au XIXe s., révèle l’ancienneté du régime bimétallique et illustre certains développements originaux, liés à la définition des métaux monétaires (bronze et argent) et à la frappe d’un même métal — l’argent — selon deux normes pondérales différentes (étalons « du bronze » et « de l’argent »). En retour, le système français, fort bien documenté, permet d’élaborer une méthodologie solide pour étudier le phénomène bimétallique, d’expérimenter presque au jour le jour son fonctionnement, et d’en dégager des lois économiques fondamentales.
Dhr. Julian Richard houdt een lezing met als titel "Munten in een archeologische context: opgraving, conservatie en contextanalyse. Een case-study uit Sagalassos (ZW-Turkije)" ". De lezing betreft de behandeling van muntvondsten uit een archeologische context en de rechtstreekse bijdrage van de numismatiek voor de archeologen, met als case-study de opgravingen van het macellum (een gespecialiseerde Romeinse marktgebouw gewijd aan het verkoop van vlees en vis) van Sagalassos (ZW-Turkije).
De opgravingen van dit macellum, dat bestaat uit een centrale open binnenkoer omgeven door portieken en winkels, zijn aan de gang sinds 2005. De chronologie van het complex is vrij goed gekend. Daterend uit de regering van Commodus (late 2de eeuw n. Chr.), werd het macellum deels herbouwd in de eerst helft van de 5de eeuw n. Chr. De getroffen vondstenassemblages dateren uit de laatste gebruiks- en verlatingsfases in de tweede helft 6de / vroege 7de eeuw n. Chr. Metalenvondsten zijn bijzonder gevoelig: munten zijn daarbij geen uitzondering. Corrosieprocessen beginnen zodra het metaal – in het bijzonder koperlegeringen en zilver, in veel mindere mate goud – begraven wordt. Corrosieproducten vormen zich tot een evenwichttoestand met het milieu bereikt wordt. Bij het uitgraven worden corrosieprocessen hervat. De eerste maatregelen op het veld bestaan dan ook uit het stabiliseren van dit milieu – namelijk een controle van het temperatuur en de vochtigheid – naast de registratie en het individueel verpakken van de vondsten. Ze worden dan overgemaakt aan het laboratorium, waar een macroscopische analyse en een evaluatie van de nodige interventies plaatsvindt. In de normale gang van zaken worden munten mechanisch schoongemaakt – met zorg voor het oorspronkelijk oppervlak, waarbij een patina vaak bewaard wordt als natuurlijke beschermingslaag. Daarna volgt een chemische stabilisatie, die ervoor zorgt dat de corrosie stopgezet wordt. Munten worden achteraf fotografisch gedocumenteerd. Muntvondsten opgegraven in Sagalassos moeten in Turkije blijven. Negatieve afdrukken in alginaat worden naar België gestuurd voor definitieve identificatie in het Penningkabinet van de Koninklijke Bibliotheek in Brussel.
Een eerste identificatie van de munten gebeurt reeds op het veld, waar ze eerstehands chronologische gegevens bieden voor de verschillende opgegraven contexten. Een dialoog tussen de stratigrafische context, de muntvondsten en de andere dateerbare categorieën van vondsten is noodzakelijk, om de relevantie en betrouwbaarheid van de muntvondsten als dateringcriterium te kunnen bepalen. Interdisciplinariteit op het veld, in het onderzoek en bij het publiceren van muntvondsten is cruciaal. Het wordt vaak verhinderd door de verschillende praktische en wetenschappelijke agenda’s van de numismaten en de archeologen. Zoals in alle andere gebieden van het wetenschap is feedback tussen alle betrokken disciplines essentieel.
De Voorzitter sluit de vergadering af rond 16u15.
© KBGN-SRNB, 2008-2012
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